Artistes régionauxMusique
Joyaux en trio
Temple du Bas - Neuchâtel
Considérée comme spécialiste incontestée de l’œuvre de Beethoven, Mendelssohn et Schubert, la pianiste Brigitte Meyer sera de retour en mars pour une soirée de musique de chambre. Accompagnée du violoniste Egidius Streiff et du violoncelliste Sébastien Singer, la grande Dame du piano donnera le trio « à l’Archiduc » de Beethoven, les Fugitive Visions of Mozart de Silvestrov et le trio en ré mineur de Mendelssohn. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !
L’Archiduc auquel le trio du même nom est dédié n’est autre que Rodolphe, le plus jeune frère de l’Empereur d’Autriche, un pianiste plus que passable et l’un des élèves à qui Beethoven enseignait la composition. Si, inévitablement, les relations entre le compositeur et son élève-mécène royal étaient parfois tendues, les deux hommes parvinrent pourtant à maintenir une amitié pleine de chaleur. Beethoven récompensa la générosité et la dévotion de Rodolphe en lui dédiant une succession d’œuvres parmi lesquelles le Triple Concerto, les 4ème et 5ème concertos pour piano, trois sonates pour piano et bien d’autres. Une liste qui fait sûrement de Rodolphe d’Autriche un des dédicataires les plus richement nantis de l’histoire de la musique.
C’est durant l’été 1810, alors qu’il prenait les eaux à Baden bei Wien que Beethoven commença à esquisser le Trio « à l’Archiduc ». Fidèle à son habitude, il s’était également engagé dans la composition d’une autre page : le Quatuor à cordes op. 95, violemment condensé, emporté. Ce n’est qu’en mars de l’année suivante qu’il revint au Trio pour y mettre un point final, le 26. Il pourrait l’avoir révisé ultérieurement, avant la première audition donnée par Beethoven lui-même (une des dernières fois qu’il joua en public), le violoniste Ignaz Schuppanzigh et le violoncelliste Josef Linke le 11 avril 1814.
Silvestrov est né en Union soviétique en 1937, pendant la Grande Terreur de Staline ; s'il vit toujours à Kiev, l'Occident l'a découvert ces dernières années. Composées pour le Gryphon Trio (invité de la SocMus il y a de cela quelques années), les Fugitive Visions of Mozart laissent en effet apparaître le fantôme de Mozart dans des citations qui semblent provenir de simples sonates pour piano du XVIIIe siècle. Mais ces phrases émergent d'un brouillard musical, s'interrompent brusquement et se dissolvent en glissant souvent vers des tonalités de plus en plus graves. Une métaphore du déclin d'une civilisation trop avancée pour s'en rendre compte ?
Dès sa composition en 1839, le Trio avec piano en ré mineur op 49 remporta du succès. Et Schumann d’écrire : « C’est le trio suprême de notre époque, comme ceux en si bémol majeur et en ré majeur de Beethoven et comme celui en mi bémol majeur de Schubert furent souverains en leur temps. C’est une composition extrêmement belle, qui réjouira nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants pendant de longues années encore. » Une fois son trio terminé, Mendelssohn le montra au compositeur Ferdinand Hiller, installé avec lui à Leipzig, qui fut très impressionné, mais émit un petit doute. « Certains passages de pianoforte, bâtis sur des accords arpégés, me parurent – pour être franc – quelque peu surannés. » Ami de longue date de Liszt et de Chopin, Hiller était « profondément accoutumé à la richesse de passages qui marquait la nouvelle école de pianoforte ». Suite à ces suggestions, Mendelssohn récrivit entièrement la partie de piano, dans un style moins conventionnel – et assurément bien plus ardu à jouer…
Temple du Bas
Rue du Temple-Neuf 5
2000 Neuchâtel